Pendant deux mois et demi, de fin décembre à début mars, les « carnavaleux » se retrouvent, se reconnaissent… L’âge, le travail, la classe sociale n’ont pas d’importance ; on peut être des proches au carnaval et ne pas se reconnaître dans le civil. Le carnaval est une grande famille et il n’est pas question de manquer ce rendez-vous. Encore faut-il savoir où l’on met les pieds : respect de la tradition, connaissance des chansons, des « règles » pour trouver progressivement son costume, sa place dans la Bande. Car on n’est pas spectateur au carnaval de Dunkerque, on devient très vite acteur parmi des milliers d’autres acteurs.
Difficile d’expliquer pourquoi cette tradition ancienne a survécu, ni le succès sans cesse renouvelé de ce grand rassemblement populaire. Les origines du carnaval dunkerquois remonteraient au 17e siècle ; les armateurs offraient alors aux marins-pêcheurs, avant leur départ pour 6 mois de pêche de la morue en Islande, un repas et une fête, la « Foye ». De cette foye naîtra la « Visschersbende » (bande de pêcheurs en flamand) qui se déroulait à l’origine entre le lundi gras et le mercredi des cendres, marquant le début du Carême (« les 3 joyeuses »). Vers la fin du 18e siècle, les armateurs se désengagèrent peu à peu de cette coutume et les marins profitèrent alors de l’aubaine que représentait le temps de carnaval pour anticiper leurs journées récréatives. Dès le début du 19e siècle, le port de Dunkerque affichait déjà l’un des carnavals les plus originaux de France.
Cohue de masques, où les « masquelours », méconnaissables sous leurs maquillages bariolés, se prennent bras dessus, bras dessous, fifres et tambours entamant le rigodon d’honneur au signal du tambour-major… le cortège s’ébranle et, durant 4 h, la « Visschersbende » déferle sur la ville pour la plus grande joie des spectateurs taquinés par l’intriguant « Figueman ». Mais attention, tout n’est pas permis, et la Charte du carnaval doit être respecté ; tout excès est interdit… même s’il peut être noté dans certains contrats de mariage que « ce qui se passe pendant le carnaval ne peut être cas de divorce » !
Reportage Outback Images : Texte et photos Alain Gaymard