LES SAGNEURS DE PROVENCE
Seigneurs des marais camarguais
Territoire de terre, de sel et d’eau, la Camargue, née d’un caprice d’un fleuve, offre aux visiteurs tout à la fois sa fascinante beauté et son extrême fragilité. Car ces vastes espaces qui s’étendent dans le delta du Rhône sont tout, sauf sauvages. Ils résultent des différentes activités que l’homme y exerce depuis des siècles : pêche, chasse, élevage de taureaux et de chevaux, culture du riz et de la vigne, maraîchage et récolte du sel… et la sagne. La sagne… c’est un peu le sang du marais, ces roseaux et leurs vastes étendues qui abritent tant d’espèces animales, et notamment les oiseaux. Chaque année, en hiver, et ce jusqu’à la « marée vert », l’apparition des tiges nouvelles, des hommes viennent couper ces roseaux qui seront pour la plupart utilisés pour couvrir les toits de chaumières. On les appelle les sagneurs. Il y a quelques décennies, la récolte se faisait surtout à partir d’une barque à faible tirant d’eau, la « partègue », ou « portègue », à l’aide d’une faucille appelée le « sagnadou ». Aujourd’hui, on coupe les roselières avec de drôles de moissonneuses plus ou moins bricolées, avec tracteurs et chenillettes. Ces dernières n’ont d’ailleurs pas totalement supplantées la coupe manuelle et encore plus d’un sagneur de Vauvert et des environs vient le soir encore, à la sortie de son travail, « faire » quelques bottes de sagne avec sa « partègue » ; un petit complément de revenus apprécié. Et au cœur de l’hiver, par fort mistral, il faut le vouloir ! De nombreuses familles vivaient de cette exploitation au siècle dernier. Bien qu’il ne reste aujourd’hui que 4 entreprises travaillant la sagne sur quelque 2 000 ha, la Camargue est la 1ère région productrice française et continue à exporter, notamment vers les Pays-Bas. Le poids économique de cette activité est réel : la coupe des roseaux génère 1,5 à 2,5 millions d’Euros de chiffre d’affaire par an.
Reportage Outback Images - Texte : Claire Vincent, photos José Nicolas