La pêche des corégones au canin
Chapo :Le brouillard du petit matin se déchire peu à peu, révélant un décor qui s'étend maintenant jusqu'aux rives du lac, la forêt et le relief qui dessine l'horizon. Aucun bruit, aucun mouvement ;il y a pourtant là, se partageant un maigre carré d'eau, une vingtaine de barques sur lesquelles, figures hiératiques et figées, on distingue autant de pêcheurs, assis sur leur barque, immobiles, muets, une drôle de petite canne en main. Car « ils » sont là, c'est certain, entre 20 et 40 mètres de fond, et bienheureux ceux qui auront la chance d'en ferrer un. « lls », ce sont les corégones, ces salmonidés de grand fond qui vivent dans nos lacs jurassiens, alpins,... corégones à Saint-Point, lavarets à Aiguebelette et au Bourget, féra à Annecy, palée au Léman ...
Les corégones vivent en bancs et il n'est donc pas rare, quand celui-ci est détecté, de voir se rassembler les pêcheurs là où il se trouve ... encore faut-il avoir cette opportunité, car ici pas d'oiseaux qui plongent assez profondément pour en indiquer la position. Qu'un pêcheur ait du succès, par chance ou expérience, tous convergent vers lui, en toute simplicité et bonne entente.
Les poissons se situant à proximité du fond où ils trouvent leur nourriture, les mouches imitations vers de vase sont les plus adaptées, montées sur des potences courtes (3 à 5 cm).Un nylon 24 à 30/100 constitue la ligne, enroulée sur un moulinet classique ou, fin du fin, sur un cadre en bois, comme autrefois, plombée de 5 à 15 g. Le « canin » dont sont équipés les pêcheurs est une canne très courte, 1,50m au maximum, équipée d'anneaux ; son extrémité, le scion, est fine et souple car la touche du corégone est très rapide et discrète, se traduisant le plus souvent par un minime déplacement (1 à 5 mm) de la pointe. L'attention est primordiale de même que la tenue en main du canin, à mi-hauteur, le pouce sur la canne, celle-ci reposant sur les autres doigts. Le ferrage doit être très rapide et ample ; certains pêcheurs n'hésitent pas à se lever pour l'amplifier.
La remontée du poisson se fait lentement, avec des paliers de décompression pour éviter que son ventre ne se gonfle avec la baisse de pression, ce qui le tuerait, empêchant toute remise à l'eau si le poisson est de trop petite taille. Mais le midi ou le soir, à table, un corégone servi au beurre blanc avec quelques morilles et accompagné d'un verre de vin jaune ... !
Reportage Outback Images - Texte Bernard Breton, photos Jean-Claude Chantelat