Pour le plaisir des yeux
Mis à nu le temps d’un hiver
Pannecière dévoile des trésors enfouis
Enveloppé d’une voluptueuse brume printanière, fardé d’un azur estival, gorgé des tons chauds de l’automne, lové dans un blanc manteau hivernal, Pannecière, grand lac du Morvan, exultait mille reflets au fil des saisons. Le temps d’une saison, mis à nu par l’homme qui l’a créé, il nous livre pour un temps ses secrets enfouis. Et nous fait rêver. Façonné par la main de l’homme, alternant paysages boisés, baies abritées et reculées sauvages, cet immense miroir s’est délité en l’espace de quelques mois et ses halos se sont étiolés peu à peu. Bras dénudés, le majestueux ouvre ses entrailles, laissant apparaître un marbre veiné où quelques ruisseaux vagabondent encore et se parent de mille couleurs. Une couverture sédimentaire sur laquelle la nature renaissante déroule un verdoyant tapis de salicaires, restitue au printemps, dans son lit nourricier, la vie que l’on pensait endormie à jamais. Alors que le soleil a craquelé le sol, tout en créant un patchwork ocré et bruni, dans les méandres caillouteux, sous les pas errants, l’imagination s’emballe au cœur de ses deux hameaux fantômes où la vie était jadis présente. Pierres érodées : restes de fondations de soixante-quatorze maisons éboulées, pierres amassées : vestiges de dix petits ponts qui permettaient la liaison entre les hameaux, barques de pêcheurs échouées, souches d’arbres sculptées par les eaux… tous, comme pétrifiés par le temps, offrent la vision lunaire d’un plan d’eau mis à nu et rendu aux humains. Un étonnant et émouvant témoignage d'une vie antérieure engloutie par les eaux. Puis, lentement, lorsque l’immense barrage a pensé ses blessures, un fin filet jaillit, le ruisseau gonfle, la terre se gorge d’eau, les vagues viennent lécher les rives, les feuillus se reflètent, le lac retrouve son aspect tandis qu’un tourbillon emporte l’histoire des hameaux à nouveau disparus, et à jamais sans doute, Pélus et Blaisy.
Reportage Outback Images : Texte Chantal Gonzalez, photos Alain Gaymard