Les derniers papetiers d’Ambert, Puy-de-Dôme
Au pied des monts du Forez, niché dans une vallée verdoyante, le Moulin Richard de Bas, situé à Ambert, dans le Puy-de-Dôme, est le seul, et dernier, moulin d’Auvergne à produire du papier à l’ancienne. L’invention du papier aurait eu lieu en Chine 200 ans av. J.-C., mais ce n’est que vers le 13e siècle qu’il apparait en Occident, empruntant la même route que la soie. Dans la seconde moitié du 15e siècle, à proximité d’Ambert, au sud-est de Clermont-Ferrand, le ruisseau de Valeyre alimente alors toute une série de moulins fariniers, de moulins à battre le chanvre ou à fouler le drap. La pureté de l’eau, exceptionnelle, incite les fabricants de parchemin à convertir la majorité de ces installations dans la production du papier et, pendant 300 ans, le pays d’Ambert sera la référence de la papeterie destinée à l’impression de gravures ou de livres de qualité. Mais le débit aléatoire des ruisseaux sonne le glas de cette activité concurrencée par l’industrie à partir du 19e siècle. De nos jours le Moulin Richard de Bas reste un des seuls à perpétuer ce savoir-faire. La technique n’a pas changé depuis le 15e siècle ; elle nécessite de l’eau pure et un savoir-faire forgé par l’amour des matières nobles. Bernard Pras, le maître papetier, utilise de vieux chiffons lavés qu’il plonge dans une cuve de granit. Des maillets armés d’une mâchoire d’acier assurent le défibrage. Après adjonction de colle, la pâte à papier prend corps. Chaque feuille de papier est réalisée manuellement à l’aide d’un tamis de fils métalliques reposant sur un châssis de bois fruitier. Les feuilles, empilées et séparées de feutres de laine, sont ensuite pressées. Elles sécheront dans le grenier du moulin aux courants d’air bien entretenus. A la belle saison, des pétales de fleurs sont mélangés à la pâte pour donner un papier décoré de couleurs vives. De jeunes bouquetières créent aussi des compositions florales décoratives sur des feuilles blanches. L’excellence du papier du Moulin Richard de Bas est aujourd’hui reconnue par de nombreux artistes, graveurs ou lithographes, qui recherchent un support noble ayant conservé l’aspect du travail fait à la main.
Reportage Outback Images : Texte et photos Paul-André Coumes